lundi 21 août 2017

Atelier d'écriture dans une école 19ème du arrondissement


Tout au long de l’année scolaire 2016-2017 j’ai conduit un atelier intitulé Conte et Littérature à l’école du 59 bis rue de Romainville au XIX arrondissement de Paris.

Comme c’est l’habitude dans les projets coordonnés par la Ligue de l’enseignement, chaque trimestre les enfants peuvent choisir un atelier différent. Chaque trimestre, donc, j’ai eu des enfants différents à ma charge… et j’ai modifié ma procédure en fonction du groupe : homogénéité, classe d’âge, niveau académique, motivation…

Chaque fois j’ai commencé par présenter, de façon ludique, les éléments composant un conte ou histoire et organisé des jeux de création rapide d’une petite histoire. J’ai aussi raconté des histoires en me servant de cet excellent outil qui est le kamishibaï  et quelques-unes des histoires que j’ai déjà publiées, en particulier celles dont je suis l’auteur & illustrateur… car l’illustration, élément inséparable su livre pour la jeunesse, n’était pas absente du projet.

La cerise sur le gâteau a été chaque fois la création d’une ou de plusieurs histoires dont les auteurs étaient de petites équipes de deux ou trois enfants, le groupe dans son ensemble ou, exceptionnellement, un seul enfant ayant déjà une expérience de création et le désir de travailler tout seul.

9Les résultats ont été variés, toujours intéressants. Dans l’ensemble, je crois que les enfants ont passé de bons moments et ont appris de petites choses sur la création littéraire.

L'atelier Conte et littérature n'est pas un projet d'initiation à l'écriture. Le but n'est pas d'emmener  les enfants à écrire des contes ou autres fictions, mais de les approcher du conte, des histoires (écrits, oraux voire appuyés sur des images). C'est pourquoi je me suis permit d'intervenir activement dans la création de quelques unes des histoires produites tout au long de l'année. 

Ce fut le cas au troisième trimestre. Le mois de juin était trop chaud et poussait un peu à la paresse, le groupe, assez hétérogène, produisait des textes trop éloignés en ton, style, complexité et longueur. Je n’ai tout d’abord songé qu’à faciliter la cohabitation entre les trois histoires, mais je me suis pris au jeu et, tout en conservant chaque mot produit par les enfants et en discutant avec eux les options de mon cru, on a fini par « pondre » ce qui suit :  


L’APPRENTIE SORCIERE, 
LE PRINCE AMOUREUX
ET LE DRAGONSAURE 
DE LA GROTTE DE CRISTAL

Conte composé par Joel à partir d’idées, textes et personnages de :

Aïsseta CE2b - Amir CE1b - Namizata CPb - Carol CE1a - Grâce CM1b -
Hanna CM1 - Ibrahim CPb - Marc CPa - Mohammed CM1a - Yanis CE1a


Atelier Conte et littérature
Ecole du 59bis rue de Romainville. Paris XIX
Année scolaire 2016-2017, troisième trimestre

Coordonné par Joel Franz Rosell



Chapitre 1
LES APPRENTIES SORCIERES

Cest le premier jour d’une apprentie sorcière à L’Ecole supérieure de magie-culture, plus généralement connue comme Magic Sup.

Plus qu’une simple école, Magic Sup était une véritable ville dans la ville. L’ensemble de bâtiments qui composaient l’école se dressait sur une colline densément boisée et entièrement encerclé par un mur d’enceinte de cinq mètres de haut agrémenté ici et là de tourelles ornées de gargouilles grimaçantes. Ces gargouilles étaient en pierre grise et très anciennes, comme le prouvaient ses nombreuses tâches, craquelures et bouts manquants. Néanmoins, dans leurs orbites de vieille pierre, les gargouilles cachaient des yeux injectés de sang qui surveillaient attentivement les alentours. Dès qu’un passant s’y attardait trop, leurs gueules béants se mettaient à crier des insultes, à lancer des malédictions terribles ou à hurler à la mort. On racontait même que si quelqu’un osait escalader le mur, les gargouilles prenaient vie et se lançaient sur l’intrus pour le déchiqueter avec leurs crocs et leurs serres. J’ai déjà dit qu’il s’agissait de très vieilles sculptures en pierre, mais si elles manquaient parfois d’une oreille ou du bout de la queue, leurs serres et crocs étaient solides et affutés… comme si c’était la veille qu’ils avaient été taillés dans une pierre plus dure que le reste !

L’arrivée à Magic Sup était toujours très impressionnante pour les élèves de première année, qui le découvraient un mardi de septembre ou, comme par hasard, le ciel était toujours noir, le vent puissant et les éclaires nombreux.

Chaque bâtiment de la vaste école était d’un style différent : les dortoirs ressemblaient à des château-forts du moyen âge, le bâtiment d’administration était une sorte de gigantesque cabane de sorcière, la bibliothèque concordait à l’idée que l’on se fait d’une cathédrale gothique en ruines et le réfectoire avait carrément l’air d’un grand mausolée volé d’un cimetière.


L’apprentie-sorcière qui allait avoir un rôle si important dans mon histoire n’était pas la moins impressionnée le jour de sa rentrée scolaire. Elle était plutôt petite pour son âge, mais fort agile et pas bête du tout. Avec ses cheveux d’un violet intense et ses nombreuses tâches de rousseur en forme d’étoiles elle avait de quoi passer inaperçue entre les nombreuses bizarreries, artificielles ou naturelles que l’on trouve normalement entre sorciers et magiciens. Elle s’appelait Dringmachinchose Queçasautelorsqueçafaitdring,  mais partout on l’appelait tout simplement Dring-dring.
Dring-dring était dans la classe de la très stricte Mme. Tricteur, plus connue comme le Boa Constricteur parce que lorsqu’elle prenait un élève en grippe, elle ne le lâchait plus. Les dons magiques de Dring-dring ne s’étaient pas manifestés avant l’âge de sept ans et ses parents avaient négligé son éducation. C’est pourquoi elle avait plus de difficultés que se petits camarades à suivre les cours. Mme. Tricteur en était parfaitement au courant mais loin de se montrer compréhensive, elle n’était que plus exigeante.
La meilleure copine de Dring-Dring qui s’appelait Namicrochetdroit Delacastemaline, plus simplement nommée Namiline faisait son mieux pour l’encourager.

-Tu es né sorcière et la magie est en toi. Ce n’est pas parce qu’on a oublié de t’apprendre trois trucs de base pendant ta petite enfance que tu réussiras moins bien que les autres. Ma grand-mère était comme toi. Pire, elle n’a découvert ses pouvoirs qu’à 15 ans et tout-à-fait par hasard ! Elle n’a donc pas fait d’études… et pourtant c’est elle la plus grande sorcière du village.
-Mais je ne suis pas au village, comme tu dis, mais à Magic Sup. Je suis entourée de sorciers, apprentis sorciers, collégiens sorciers et étudiants sorciers qui savent plein de choses que j’ignore, se plaignait Dring-dring. Et pour couronner le tout, j’ai le Boa Constricteur comme professeur principal.
-Et ben, justement ! Tu ne manques pas de stimulation. Et Mme. Tricteur a beau être très stricte, elle n’est pas moins le prof le plus doué de Magic Sup. Avec elle, même les plus bêtes apprennent.
-Tu vois, soupira Dring-dring découragé. Tu le dis toi-même : je suis bête.

Namiline serra son amie dans ses bras.

-Mais non ! Arrête tes bêtises… Pardon, je veux dire… Bref : à partir d’aujourd’hui on va toujours réviser le livre des sortilèges ensemble. Puis, il te faut avoir une bonne baguette et une tenue convenable. On ira cette après-midi faire des emplettes et en chemin, on répétera les nouveaux mots magiques. Il faut toujours apprendre les mots magiques par cœur.

L’apprenti sorcière Dring-Dring fit oui de la tête, décidée à commencer tout de suite la mise en application de ces conseils.



Chapitre 2

L’ECOLE ROMANTIQUE


Je n’étais pas du tout content lors de mon entré à l’Ecole internationale des princes et princesses « Têtes Couronnées ». C’est une école privée, bien entendu, et l’on ne peut y rentrer que lorsqu’on est fils de roi, fille de reine (les deux à la fois, ou au moins l’une de deux choses). Vous pouvez imaginer un endroit pareil ? Moi, Victor de Haut-le-Cœur, je suis bien placé, car j’ai quatre frères et sœurs, pour savoir que les princes et princesses sont des gens insupportables, imbus de leurs privilèges, gâtées par leurs serviteurs et leurs souverains de parents.

En famille, tant d’orgueil et de caprices deviennent supportables parce que l’on s’aime bien, parce que l’on se connait depuis toujours ou tout simplement parce que chacun sait quelle est sa place et n’a rien à démontrer. Mais dans une école des princes et des princesses où chacun veut démontrer qu’il est le plus vaillant ou la plus belle, je devinais que cela tournerai vite au vinaigre.
Pourtant, mon premier jour de classe c’était le désastre… et en même temps très romantique. Car j’ai eu la chance de tomber à côté de la princesse la plus capricieuse… et la plus belle au monde !

Belleaumonde de Plusquepersonne était ravissante comme une image, blonde comme le soleil, avec des cheveux longs comme le bras et des yeux bleus comme le ciel au printemps. Son sourire valait un empire et sa voix était de la soie…

Bref, je suis tombé amoureux d’elle à l’instant. Littéralement foudroyé.

J’avais la chance d’être rentré à l’école Têtes Couronnées au même temps qu’une amie trop chère, ma cousine Melousine de Moncoeur, du château à côté de chez-moi, et à la recréation on discute de la princesse.
-Il faut que je le lui disse !
-Quoi ?
-Que je suis amoureux d’elle.
-Absurde ! Tu la connais depuis 45 minutes.
-Et alors : c’est un coup de foudre, et un coup de foudre ne dure même pas 45 secondes.
-Tu délires, mon cher Victor !
-Délire d’amour.

Ma cousine Melousine me regarde avec attention pendant… je ne sais pas, 15 secondes peut-être et puis, avec un soupir elle me dit :

-Oui, tu es amoureux. Chez vous, les princes de Haut-le-Cœur, l’amour se manifeste avec des petits changements physiques que je viens d’apercevoir.
-Quels changements ? demandais-je inquiet. Moi je ne me sens rien de bizarre.
-Prends ce miroir et regarde-toi ! répondit Melousine illico :

Sur son petit miroir d’argent, j’ai retrouvé mon visage… En fin, quelque chose qui ressemblai énormément à mon visage, car j’ai pu constater que la pupille de mes yeux était devenu carrée, que mes sourcils avaient légèrement poussés, que mes taches de rousseur avaient pris une curieuse forme étoilée et que mes oreilles étaient désormais légèrement pointues. En fait, quelqu’un qui ne me connaîtrait pas très bien, ne s’en apercevrait certainement pas, mais…

-Ce n’est qu’un début, prophétisa ma cousine Melousine. Mais si tu lui dis que tu l’aimes et que, par hasard, elle te dit oui… Tu deviendras de plus en plus bizarre… et ça finira en drame ! Rends-toi compte : tu n’es pas tombé amoureux de n’importe quelle princesse, mais de la princesse capricieuse.
Je commençais à comprendre.
-Qu’est-ce qu’on fait alors ?
-Il faut trouver un désensorcelleur.
-Un quoi ?
-Un desensorcelleur. Un bon désensorcelleur qui te désensorcellera.
-Mais je serai toujours amoureux ? voulu-je savoir tout de suite.
-Oui, hélas, soupira ma cousine Melousine. Tu seras toujours aussi bête, Victor, mais cela se verra moins.
-Alors je veux bien… Où est que l’on peut trouver ce desen…chose.
-Dans la colline d’en face, évidemment, répondit ma cousine qui était (je ne l’ai pas encore dit) toujours au courant de tout.

Je levai les yeux par-dessus les grilles en bronze dorée de notre école de princes et de princesses et j’aperçu un sinistre mur de pierre gris ornée d’abominables tourelles et de gargouilles encore plus hideuses.

-Que veux-tu dire ?
-L’école voisine regorge de sorcières et magiciens. C’est la célébrissime Ecole supérieure de la magie-culture.
-Magic Sup ? balbutie-je. On est voisins de ça ?
-Et tu devrais t’en réjouir, fit ma cousine. Parce qu’on a besoin d’une apprentie sorcière, de préférence d’une qui n’aurait pas été trop abîme par l’enseignement de la magie moderne et qui, de ce fait, saura trouver en son for intérieur la magie nécessaire pour désensorceler un prince de Haut-le-Cœur tombé bêtement amoureux d’une princesse capricieuse.



Chapitre 3

LE DRAGONSAURE DE LA GROTTE DE CRISTAL


« Il était une fois un dinosaure qui rencontra un monstre gluant. Le monstre était extra-terrestre et s’était réfugié dans une grotte de cristal de sa propre construction. Ceci s’est passé dans l’année -65 million, c’est-à-dire il y a très-très-très longtemps. Si longtemps qu’à l’époque il n’existait pas un seul humain sur Terre. Il n’y avait même pas des mammifères comme ceux que nous connaissons aujourd’hui… et nous les hommes, ne l’oubliez pas, nous sommes des mammifères très évolués.
 Vers l’an -65 million, justement, se produit la Grande Extension des dinosaures et bientôt, ils s’épanouissaient sur notre planète des mammifères, des poissons, des insectes et autres animaux que nous n’aurions plus de mal à reconnaître … »
Le professeur de Monstrelogie comparée leva les yeux de ses notes et regarda ses élèves l’un après l’autre. Il était si vieux qu’on l’aurait cru témoin de cette très très lointaine préhistoire qu’il racontait. Il était chauve, ridée comme un rideau plié et portait de lunettes avec des verres si épais que ses yeux semblaient flotter à une certaine distance de son visage.


« Ce qui provoqua l’extension des dinosaures c’est la chute d’une énorme météorite dans ce que l’on connaît aujourd’hui comme le golfe du Mexique. Dans la panique, le dinosaure de notre histoire tomba dans l’abri qui s’était fabriqué le monstre gluant. Ce monstre était vraiment gluant, si gluant qu’il colla au dinosaure. Ils étaient si collés l’un à l’autre qu’ils se mélangèrent, se confondirent et finirent par n’en être qu’un seul et unique individu. C’est comme cela qu’il est né le premier dragon de l’histoire : un croisement parfait de dinosaure et de monstre gluant doté d’ailes et crachant du feu… »

TRALALALALALALALA, TRALALALALALALALA,   TRALA LALALALAAAA !

C’était la sonnerie de l’Ecole internationale des princes et princesses qui annonçait la fin de cours. Les élèves se mirent bruyamment débout et abandonnèrent la salle de classe en trombe. Lorsque le vieux professeur fini de ramasser ses affaires, il était seul dans la classe et peut-être dans tout le bâtiment. Et pourtant, il se pressait car il avait encore un cours à faire…
-Ou-là-là ! se dit-il. Au prochain trimestre j’exigerai que l’on me change les horaires. Je ne peux plus continuer à faire la navette d’un collège à l’autre. Même si Magic Sup se trouve dans la colline d’en face, je ne suis plus en âge d’utiliser un balai volant…
Car, en effet, le vieux professeur de Monstrelogie comparée de l’école Têtes Couronnées était un sorcier qui enseignait la même matière à l’Ecole supérieure de magie-culture !
Il ferma la porte de la salle de classe à double tour, sorti son balai volant d’un placard également fermé à clé et se plaça devant la grande cheminée avec son cartable sous le bras gauche et le manche du balais bien saisi de sa main droite. Puis, il plia les jambes et chantonna :
 Abracadabra, envole-toi plus vite que ça
Mais doucement, Mimi Cra-cra !
Il partit comme un pétard, laissant derrière lui une traîné de fumée qui sentait la poudre et un nuage de petites étoiles.
-Waou ! m’écria-je. Il est incroyable le vieux !
-C’est vrai qu’il déchire ! avoua ma cousine Melousine. Mais, tout de même, appeler son balai volant Mimi Cra-cra…
-C’est rigolo, non ?
-Justement, répondit Melousine. Trop rigolo pour un crouton comme lui.
Nous nous étions cachés au fond de la classe et avions assisté, médusés, à la transportation magique de celui qui nous n’appellerions plus jamais Monsieur Croûton.
-Mais comment savais-tu qu’il était sorcier ? demandais-je à ma cousine.
-Oh, j’avais entendu des rumeurs, répondit-elle évasive.
J’ai su tout de suite qu’elle mentait, mais je ne pouvais pas deviner à l’époque ce qu’elle me cachait. De toute façon, en ce moment-là je ne pensais qu’aux moyens nécessaires pour vivre mon amour avec Belleaumonde de Plusquepersonne.
-Alors, on y va ?
-Il n’y a pas le feu. Ils ont encore une heure de cours, eux.
-Oui, mais quand même…

-D’accord, d’accord. On y va.

Une demi-heure plus tard, le professeur de Monstrelogie comparée approchait la fin de son cours dans la classe de CME (Cours de magie élémentaire) à laquelle assistaient Dring-dring et Namiline.

« …Le premier témoignage écrit sur l’existence des dragons, nous la devons à un monsieur qui se promenait avec son loup apprivoisé. Le monsieur était le secrétaire du marquis Plusquepersonne, arrière-arrière-arrière ancêtre du roi Beaumond I de Plusquepersonne, actuel souverain de l’Ile de Capri. Monsieur Petitmenteur avait l’habitude de se promener très tard la nuit en compagnie de son loup. C’était une mesure de prudence car les villageois, ses voisins, n’apprécient pas trop la présence d’un loup, même apprivoisé, près de leurs moutons et brebis… »      
    
        
-Il est n’est pas très concentré aujourd’hui le prof, murmura Dring-dring à l’oreille de sa voisine de table, sa copine Namiline.
-C’est normal, répondit celle-ci. Il est tombé sur la tête en atterrissant tout à l’heure dans la cour. Et pourtant, c’est un petit vol depuis l’école Têtes Couronnées ou il fait ses cours le matin.
-Mais pourquoi est-ce que l’on donne des cours de Monstrelogie aux princes et princesses ? s’étonna Dring-dring.
-Depuis toujours, les dragons affectionnent les princesses, et les princes veulent tuer au moins un dragon dans leur vie, expliqua Namiline. Tu ne peux pas ignorer ça tout de même ! C’est écrit dans les contes !

Un épais silence s’était saisi de la classe. Namiline et Dring-dring comprirent trop tard que le professeur les avait surpris en plein bavardage.
-Alors ces demoiselles s’imaginent qu’elles peuvent empêcher leur vieux professeur de les entendre en s’entourant d’une bulle anti-prof ? dit Monsieur Crouton après avoir crevé leur bulle d’isolement magique d’un petit coup de baguette. Vous aurez une heure de rétention.
En retournant à sa table, le professeur de Monstrelogie précisa :
-Je ne vous punis pas parce que vous bavardez en classe, mais parce que vous manquez de discernement. Comment pouvez-vous croire qu’un sortilège aussi primitif que la bulle anti-prof peut détourner l’attention d’un sorcier de mon niveau ?!

Et il continua son récit comme si de rien n’était :
« Monsieur Petitmenteur se promenait donc un soir avec son loup lorsqu’il vit s’abattre sur lui la colossale bête qu’il décrit comme ceci : « 4 ailes avec des piquants vénéneux, 6 pattes, crachant de toiles d’araignée et du feu violette… »

Quelqu’un peut me dire de qu’elle espèce s’agissait ?, demanda-t-il en regardant les élèves par-dessus ses épais lunettes.

Plusieurs mains se levèrent et, comme à son habitude, le vieux professeur choisi un des élèves qui n’avait pas levé la main.
-Monsieur Laberlue ?
-Un dragon mauve, dit l’élève.
-En plus d’être un élève paresseux, vous ne vous lavez pas les oreilles, répondit le professeur avec un sourire sarcastique. Voyons monsieur Lebonsouffle, qu’est-ce que vous avez soufflé à votre camarade ?

Le gentil Lebonsouffle, les joues en feux, se mit débout et répondit :

-Un dragonsaure, monsieur.
-Et qu’est-ce qui est faux dans la description ?
-Les six pattes, monsieur.
-Exact, dit le professeur. Un dragonsaure a, en effet, deux pairs d’ailes avec des piquants vénéneux, il crache du feu violet et des sortes de toiles d’araignée, mais… il n’a que deux pattes. On peut donc supposer que le témoin, monsieur Petitmenteur, avait si peur qu’il a confondu les pattes du dragonsaure avec celles d’un autre animal, probablement un bœuf ou un tout autre quadrupède, qu’il avait capturé avec ses puissantes griffes.

Le professeur revint à ses notes et lut :
« Monsieur Petitmenteur fut courageusement protégé par son loup et il eut le temps de se réfugier dans une grotte dont il ne connaissait jusqu’à ce jour l’existence. A son grand étonnement, la grotte était en cristal. Il s’y croyait en sécurité mais quelques minutes plus tard il vit le dragonsaure entrer par l’autre bout de la grotte. Et alors… »

ABRACADABRA, ABRACADABRA, ABRACADABRAAAAA !

C’était la sonnerie de l’Ecole supérieure de magie-culture qui annonçait la fin de cours. Les élèves se mirent bruyamment débout et abandonnèrent la salle de classe en trombe.
Dring-dring et Namiline sortirent les premières.

-On n’a pas vraiment de chance ! soupira Dring-dring. Une heure de colle justement le seul jour de la semaine où on a le droit de sortir pique-niquer au Prés-du-bonheur au lieu d’être forcées de déjeuner dans l’infecte réfectoire.
-C’est ma faute, avoua Namiline. Que tu ne saches pas que la bulle anti-prof ne marche pas avec tout le monde, passe. Mais moi, je le sais très bien.
-Ne prends pas la chose à cœur, dit généreusement Dring-dring. Tu as cru que Monsieur Crouton n’était pas en forme à cause de son accident de balai volant.

Elles allèrent quand même se détendre sur les grasses pelouses du Prés-du-bonheur. Les heures de colle commençaient seulement après la pause-déjeuner. Elles venaient à peine de déballer leurs sandwichs, lorsqu’elles virent s’approcher un garçon et une fille d’environ seize ans. Ils portaient des robes noires à capuche semblables à celles des apprentis sorciers, mais à leurs manières distinguées on devinait qu’il ne s’agissait point d’élèves de Magic Sup.  

-Bon appétit, dit la fille encapuchée. Peut-on vous déranger un instant.
Dring-dring et Namiline venaient de mordre dans leurs sandwiches et ne répondirent qu’avec un mouvement de tête.
-C’est gentil, poursuit le garçon. On a vraiment besoin d’un petit service.


Chapitre 4

APPRENTIE SORCIERE AIDE PRINCE ET PRINCESSE


-Comment avez-vous fait pour passer ? demanda la plus grande des apprentis-sorcière. Pour entrer à Magic Sup il faut montrer au gardien une carte de prof ou d’élève magicien.

-Nous nous sommes déguisés, dis-je.
Mais celle que j’appris plus tard à appeler Namiline me rit au nez.
-A d’autres avec ces sornettes ! On ne trompe pas l’ogre portier avec un truc aussi simple.
-C’est que nous avons cueillis la poussière d’étoiles laissée derrière par notre professeur de Monstreologie lorsqu’il a quitté la salle de classe sur son balai volant, expliqua ma cousine Melousine. On a dissout la poudre dans du jus de citrouille bio et on y a trempé nos robes à capuche…
-Des authentiques robes de Magic Sup, précisais-je en montrant l’étiquette du fabriquant dans le revers de ma capuche. On les a achetés (très cher !) dans la friperie du village.

Sans prêter grande attention à mes paroles, la plus grande des filles insista :

-Encore des broutilles ! Si vous ne dites pas toute la vérité, on vous plante là et l’on va finir nos sandwiches ailleurs.
C’est alors que j’ai eu le plus grand choc de ma vie.
-C’est bon ! fit Melousine. De toute façon cela finirait par se savoir…
Et elle montra la paume de sa main gauche aux deux apprenties sorcières. J’ai vu leurs yeux s’agrandir et je me suis penché pour voir moi aussi ce qui leur causait un tel effet.

Mon étonnement fut indescriptible lorsque je vis dans cette paume fine et blanche que je connaissais si bien, une sorte de tatouage rouge sang… qui bougeait comme s’il s’agissait d’une petite flamme !

Je faillis m’évanouir lorsque j’ai ressenti la chaleur que dégageait le mystérieux tatouage, mais les deux autres filles se contentèrent de lever à leur tour leurs paumes gauches… où brûlaient des tatouages de feux tout à fait semblables.

« Je te salue, oh sombre sœur ! » dirent toutes les trois d’une seule voix.

Une sorcière ! Ma cousine Melousine de Moncoeur était une sorcière !!!



-Je suis princesse et sorcière, m’expliqua-t-elle d’une voix étrange : suave, pénétrante et rassurante… qui eut l’effet de me faire accepter l’extraordinaire révélation comme un truc complètement banale.
-Je comprends maintenant pourquoi tu sais tellement de choses sur les sorcières et sur Magic Sup, dis-je avec un calme qui, justement, ne me rassurait pas vraiment. Et je crois désormais comprendre aussi pourquoi ma mère la reine n’a jamais trop aimé que tu sois mon amie.
-On parlera de ça plus tard si ça ne t’embête pas, fit-elle assez sèchement. Nous sommes venus ici pour une autre affaire.

Dans les yeux de ma cousine j’ai remarqué une expression que je ne lui connaissais pas du tout. Mais je me suis dit que, de toute façn, je venais de découvrir qu’il y avait trop de choses que j’ignorais d’elle.
-D’accord, soufflais-je.    

Ma cousine Melousine raconta à Dring-dring et Namiline comment j’étais tombé follement amoureux de la princesse capricieuse.
-Et c’est parce qu’elle fait beaucoup de caprices  que vous avez besoin de notre aide ?demanda Dring-dring un peu surprise.
-Pas du tout ! On ne sait pas si elle fait de caprices ou pas, avoua Melousine. On l’a connu aujourd’hui même.
-On l’appelle la princesse capricieuse parce qu’elle est la fille du roi de Capri. Ils sont tous capricieux dans cette île de la Méditerranée, expliquais-je. C’est une île aussi célèbre que mystérieuse car aucun visiteur ne peut aller au-delà du port. C’est une île-montagne et la ville se passe en haut, hors de la vue des marins qui arrivent à s’en approcher et même de ceux, rares comme je viens de dire, qui y parviennent à débarquer.
-Je vois mieux, dit Namiline. Vous voulez savoir si c’est une bonne idée de se fiancer avec la fille du roi de tant de mystères ?
-Moi si, expliqua Melousine. Mais cet idiot de prince Victor, mon cousin, ne veux rien d’autre que s’assurer l’amour Belleaumonde de Plusquepersonne.

Les deux apprentis-sorcières me regardèrent avec le même intérêt qu’un botaniste devant un végétal rare et je senti les couleurs me monter au visage. Je suppose que je ressemblais à une sorte de piment rouge avec des cheveux noirs et des yeux verts !

Heureusement elles ne firent aucun commentaire désobligeant.
-Est-ce que vous avez quelque chose appartenant à la princesse capricieuse ? demanda Namiline très pragmatique.

Sous le regard mi-amusé, mi-agacé de ma cousine Melousine, je sortis une feuille de brouillon au milieu de laquelle j’avais collé, avec un petit bout de scotch transparent l’un de longs et soyeux cheveux blonds de ma princesse adorée.
-C’est parfait ça, dit Namiline.
-Vous n’avez pas d’image d’elle ? demanda Dring-dring.

Encore sous le regard, cette fois franchement excédé, de Melousine, je sortis mon portable et je fis défiler les dix ou douze photos que j’avais volées à ma belle pendant la récré.
-De mieux en mieux, marmonna ma cousine.
-J-j-j, balbutie-je. J’avais prévu qu’il faudrait des images…
-Avec tout ça, dit Namiline. Je pense que Dring-dring pourra toucher le futur de la princesse Belleaumonde de Plusquepersonne et du prince Victor de Haut-le-Coeur.
-Tu crois ? hésita la petite apprentie sorcière. Je n’ai aucune idée de comment m’y prendre.

Namiline ne répondit qu’avec un geste, nous indiquant de la suivre. On se dirigea vers le faux cimetière qui servait de jardin à la bibliothèque. Après avoir vérifié que personne ne nous regardait, elle ouvrit avec une petite clef cachée dans sa ceinture, la porte rouillée d’une tombe en forme de minuscule chapelle. La porte était rouillée comme je viens de dire, mais aucun grincement ne s’échappa de ses gonds.

Nous descendîmes quelques marches et, à la lumière rougeâtre qui laissaient passer les vitraux nous découvrîmes une sorte d’autel au milieux de vieux sarcophages. J’ai eu un frisson de panique en voyant Namiline sortir une tête de mort de l’un des sarcophages.
-Calme-toi !, me lança-t-elle. Cette tête est en ivoire et n’a jamais appartenu à un vivant. Elle servit autrefois au célèbre cavalier sans tête qui la portait sous le chapeau chaque fois qu’il avait besoin de se faire discret. Elle est néanmoins, dix fois plus puissamment magique que la plupart de vraies têtes de mort.

L’apprentie sorcière introduit dans le crâne le papier avec le cheveu de Belleaumonde, puis arracha un de mes propres cheveux pour l’y placer également. Ensuite elle se débrouilla pour attraper avec la pointe de sa baguette magique la plus belle des photos de ma très chère princesse et la fit adroitement passer de l’écran de mon téléphone à l’œil gauche de la tête de mort.

-Belleaumonde ne court aucun risque, n’est-ce pas? demandais-je inquiet.
Namiline fit non de la tête et pris « une photo » de moi toujours avec sa baguette magique. Même Melousine et Dring-dring furent très étonnés en voyant comment mon image se détachait de moi et allait, tout en rapetissant, se jeter à travers l’œil droit de la tête de mort.
-C’est à toi maintenant, dit Namiline à Dring-dring.

La petite apprentie sorcière se surpris elle-même. Tout d’un coup, elle savait ce qu’elle devait faire. Elle s’approcha de l’autel, mis ses deux mains autour du crâne et ferma les yeux. Un sorte de lueur jailli de la tête de mort et glissa tout le long des bras de la jeune fille jusqu’atteindre sa tête. Elle eut alors une secousse et dit d’une voix qui ne lui ressemblait pas :
« Tu ne conquerras l’amour de Belleaumonde de Plusquepersonne que si tu engages le combat avec le Dragonsaure de l’île de Capri ! »

Ensuite, elle introduit la main dans le crâne et pris mon cheveu et celui de Belleaumonde. On les distingait clairement car le cheveu de ma chère princesse était devenu une sorte de long ruban d’or et le mien une sorte de ruban noir  comme le fer. Dring-dring entremêla les deux rubans puis elle les lissa d’un geste ferme. Apparu alors dans ses mains la plus belle épée que l’on ait jamais vu.
Dring-dring déposa cette épée entre mes mains et, tout d’un coup, paru se réveiller. Il n’y avait plus de lueur autour d’elle ni autour de la tête de mort.
-C’est tout ce que l’on peut pour toi ! dit gravement Namiline. Bonne chance, prince Victor de Haut-le-Coeur.



Chapitre V
LE DUEL AVEC LE DRAGONSAURE

Prêtant oreille sourde aux conseils de ma cousine Melousine, j’ai dit le soir même à Belleaumonde de Plusquepersone :

-Je t’aime. Mon cœur est à toi et je suis prêt à mourir pour ton amour !

A peine avait je finis ces mots enflammés que je me suis vu aspiré dans les airs et, après avoir traversé un sorte de tourbillon bleu-violet, je me suis retrouvé à l’intérieur d’une vaste grotte de cristal.
La dernière chose que j’avais vu c’était les yeux magnifiques de Belleaumonde qui me regardaient avec un mélange d’admiration, d’angoisse et… de tendresse !

Le souvenir de ce regard me rendit mon courage malgré le fait que j’avais reconnu tout de suite la grotte du Drangonsaure, telle qui nous l’avait si bien décrit le professeur de Monstreologie. Pour ne pas me laisser le moindre petit doute, je perçu au loin, au fond de la grotte, un rugissement aussi fort que régulier.

-Dieux merci, dis-je. Le monstre dort.

Alors, je eu le courage de regarder attentivement autour de moi.

La grotte était vaste ; aussi large, haute et profonde qu’une gare parisienne. Elle n’était pas vide. Partout il y avait des piles des choses les plus variés. On dirait que la moitié des naufrages de la Méditerranée, et ceci depuis plusieurs siècles, venaient échouer dans la grotte du Dragonsaure. Il y avait des trésors innombrables, mais il ne s’agissait pas seulement d’or, argent et pierres précieuses. Il y avait aussi des restes d’animaux fantastiques o disparus. Je pu reconnaître un tigre aux dents de sabre, un mammouth et un mastodonte ; une chimère, un centaure et un kraken… et même un géant qui ne possédait qu’un seul œil au milieu du front et plusieurs sirènes.

Je me suis mal exprimé lorsque j’ai parlé de « restes » car s’il y avait des corps réduit à l’état d’ossements, d’autres conservaient peau, cheveux et une complète apparence d’êtres vivants. C’était le cas des êtres fantastiques qui ne semblaient que pur et simplement endormis sous un linceul presque transparent.

C’est en m’approchant des sirènes que j’ai compris que ce « linceul » n’était autre chose que la « toile d’araignée » que l’on prétendait être crachée par le Dragonsaure. Au toucher c’était quelque chose d’infiniment doux, mais résistent… et extrêmement froid.

-Le Dragonsaure crache de la glace liquide sur ses victimes. Une glace qui ne fonde jamais et qui maintient tout être vivant dans une sorte d’hibernation éternelle.
A l’écoute de cette voix, je me suis retourné si brusquement que j’ai failli me rompre le cou.
-Dring-dring ! m’exclamais-je. Que fais-tu ici ?
-Je ne suis pas dans la grotte, répondit-elle doucement. Je suis dans mon sommeil. Chez-nous en ce moment il est presque minuit. C’est d’ailleurs l’heure du réveil du dragon. Je ne suis venu que pour te porter ceci. Tu auras bientôt besoin.

Et une nouvelle fois je vis apparaître dans les mains de l’apprentie sorcière l’épée d’or et de fer.
J’ai pris l’épée et à l’instant, le lointain ronflement du Dragonsaure se transforma en rugissement furieux.
-Bonne chance, prince Victor, dit la voix de Dring-dring s’affaiblissant à la même vitesse que son image devenait petite et transparente, de sorte que lorsqu’elle prononça son dernier mot elle était devenue pratiquement invisible.  Courage !

C’est alors que je vis réellement le Dragonsaure.

Il était immense et effroyable. Sa peau d’un violet sombre et ses ailes d’un bleu nuit lançaient des éclairs comme si la bête était faite de lumière et d’électricité. Sur son long cou et sa longue queue il y avait une crête verte, formée par des sortes de piquants acérés. Je savais que ces piquants étaient venimeux et que toute sa peaux, même là où l’on ne le remarquait pas, était également couverte d’écailles aussi fines y pointues que des morceaux de verre par lesquelles coulait un poison aussi dangereux que sur les grands piquants de la queue. Néanmoins l’arme la plus redoutable du Dragonsaure était le feu violet qu’il crachait. Une étrange forme de feu glacial qui congelait tout ce qu’il touchait, le couvrant d’une pellicule de glace éternelle. C’est comme cela qu’il avait constitué le trésor de sa grotte : il ne mangeait ni hommes ni bêtes ni êtres magiques : il leur prenait leur souffle de vie en les congelant et cela lui permettait de vivre, lui, éternellement.

Le monstre s’approcha en faisant des grands bonds qu’il renforçait par des battements d’ailes. En fait, il était ridicule et maladroit et seulement la peur le rendait effroyable. Or, à mon immense étonnement, je n’avais pas peur.
-Viens ici, maudite bête ! lui lançais-je. Mon épée a très envie de te couper le cou !  

Et c’était vrai ! Je sentais parfaitement que l’épée tremblait d’excitation dans ma main. Elle tirait même de moi, me faisant avancer vers le monstre.
-Ne te fie pas, quand-même. Notre épée est puissante, mais le feu du Dragonsaure ne l’est pas moins !
Je crus rêver lorsque je vis, à côté de moi, Belleaumonde de Plusquepersonne. Je me suis immédiatement dit qu’il ne s’agissait, comme un instant plus tôt avec Dring-dring, que de son image venue à moi pendant le sommeil.

Mais en ce moment, le Dragonsaure ouvrit la gueule et cracha sur moi la terrible flamme violette et glaciale. Je n’ai eu la vie sauve que parce que Belleaumonde m’entoura de ses bras et déploya sa magnifique chevelure blonde, qui nous enveloppa tous les deux comme une cape fait d’or pur.
La flamme violette ricochât sur la chevelure d’or et s’en fut frapper le Dragonsaure dans l’une de ses pattes puissantes. Celle-ci gela à l’instant et la terrible bête chancela puis tomba par terre avec un terrible fracas.
-C’est le moment ! cria Belleaumonde d’une voie faible, et ses bras me lachèrent. Coupe-lui la tête !

Je ne me le fis pas répéter. Je sautais sur la queue du monstre qui, comme animée d’une vie propre s’agitait, cherchant à m’atteindre avec ses fameux piquants. Une ou deux fois le monstre fut sur le point de me blesser, mais mon épée sut parer à ses assauts et même à couper plusieurs des mortifères piquants. Le monstre m’attaqua aussi avec ses puissantes ailes, mais mon épée avait la vertu de devenir aussi longue que nécessaire et chaque fois, j’ai réussi à m’en sortir indemne.

Le Dragonsaure cracha son feu encore une ou deux fois, mais ses blessures et sa position couché ne le permirent pas de faire mouche et j’ai pu, serrant mon épée avec les deux mains lui trancher la gorge d’un seul coup.

Il mourut à l’instant, se dégonflant comme s’il n’était fait que d’air. Je me suis alors retourné pour célébrer la victoire avec ma chère princesse.

Elle n’avait pas bougé de là où elle m’avait enlacé pour me protéger avec sa chevelure d’or. Elle était recroquevillée sur elle-même.
-Es-tu bléssé ? m’alarmais-je.
Elle ne dit rien, mais son sourire radieux apaisa mon angoisse.
-Maintenant ça va, fit-elle d’une voix haletante, comme si elle se reprenait à peine d’une longue course. Maintenant que le Dragonsaure est mort, rien ne peut nous arriver.
Je la pris dans mes bras et je l’embrassé.

Et ce fut comme quelques heures avant, lorsque je lui avais déclaré mon amour : nous nous élevâmes dans les airs, l’un dans les bras de l’autre et nous traversâmes un tourbillon qui cette fois-ci n’était pas froid ni sombre, mais caressant et lumineux.

Lorsque nous touchâmes terre, nous nous trouvions dans une vaste terrasse du château royal de l’Île de Capri et le roi et la reine se précipitaient vers nous leurs dignes visages pleins de joie.
-Vous l’avez fait ! Vous êtes de fous, mais vous avez bien fait, disait la reine.
-Il faut être fous amoureux pour accomplir une tâche pareille, disait le roi. Tuer un dragon rien qu’avec des cheveux !
-Ce n’était pas n’importe quel dragon, précisa ma princesse chérie. C’était le Dragonsaure : le plus terrible de tous, mais aussi le plus faible puisqu’il n’avait que la vie et la force empruntée à d’autres.

Bon, je ne vais pas prolonger inutilement cette histoire. Un jour peut-être je vous raconterai les détails…
Je vais finir comme il se doit : Nous nous mariâmes (quelques années plus tard), nous eûmes beaucoup d’enfants (trois seulement, mais pour cette époque ce n’est pas mal) et nous fûmes (nous le sommes encore) très heureux.

Epilogue

Namicrochetdroit Delacastemaline et Dringmachinchose Queçasautelorsqueçafaitdring sont devenus nos fidèles amies et elles ont assisté toutes les deux à notre mariage. Lorsque les premières aptitudes magiques se sont manifestées sur notre plus jeune enfant, nous avons prié Dring-dring de s’installer sur l’Île de Capri et d’en assurer l’instruction.

Cette fillette, qui vient de fêter son dixième anniversaire, part en septembre prochain pour parfaire sa formation à Magic Sup, tout en suivant des cours à l’école de Têtes Couronnées... selon un programme spécialement conçu pour elle par ma cousine Melousine de Moncoeur, chargée du Cursus interculturelle que relie désormais les deux écoles.

Ah oui, j’oubliais de dire que notre plus jeune fille s’appelle Dringnami.

Pas besoin de vous expliquer pourquoi.

 FIN 


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